mardi 1 juin 2010

Tendres confessionnaux du diable..

Il est de ces lieux qui font l'identité d'un pays: salons de thé anglais, fast-foods américains, cyber-cafés coréens, pubs irlandais... et bistrots français. A l'image du Troquet ou encore de Chez Michel, lieux cultes de la scène parisienne, les bistrots peuplent l'imaginaire des touristes étrangers. Souvent alimenté par les abondantes références littéraires d'écrivains tels qu'Émile Zola (L'Assommoir, Germinal...) ou plus récemment Antoine Blondin (Un singe en hiver), cet imaginaire agit souvent comme déclencheur dans le désir de venir goûter à notre fameux art de vivre.

Le bistrot français, c'est donc un peu notre emblème national, aux côtés des béret, baguette, bouteille de rouge et saucisson. Mais ces petits cafés/bars/restaurants ont une portée plus que symbolique: comme l'a si bien dit Frank Bernard dans Les rues de ma vie (2005), "Les restaurants comme les cafés m’ont toujours semblé l’un des éléments essentiels d’une ville. Plus, du moins autant pour ne choquer personne, que musées, églises et monuments en tout genre. C’est ce qui nous permet d’en supporter la tension, les cruautés quotidiennes. Une ville sans bistrots, c’est une ville sans rencontres."

Pour aller plus loin, je pense que ces lieux ont agi comme véritable catalyseur dans notre société assimilatrice. A part la mairie de quartier, quel autre lieu a pu attirer en son sein une telle diversité d'individus au quotidien? Ouvriers désabusés, cadres pressés, français issus de l'immigration ou non, tous ont un jour ou l'autre franchi le perron d'un bistrot, que ce soit pour une bière ou un simple café. Dans la France rurale, les bistrots sont l'un des seuls lieux permettant de tisser un lien social entre les individus suite au retrait progressif de l'État dans les contrées les plus éloignées.

D'où une certaine inquiétude quand j'observe les chiffres sur l'évolution du nombre de bistrots en France: de 510 000 bistrots pour 42 millions de personnes en 1914, ils ne sont plus que 50 000 pour 68 millions aujourd'hui. La faute à quoi? Les campagnes gouvernementales contre l'alcool et le tabac qui se sont traduites dans ces dernières années à des réglementations portant souvent atteinte à la liberté individuelle n'y sont sûrement pas étrangères...

Je vous invite donc à fréquenter (ci ce n'est pas déjà le cas) ces charmants bars, bistroquets et autres guinguettes qui sont des vestiges de notre patrimoine culturel et social. Que sous l'effet de l'éthanol vos langues se délient, que les confidences entre inconnus se multiplient afin de faire honneur à cette citation du cher Gilbert Cesbron ("Les bistrots sont les confessionnaux du diable").

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